Pokémon Soleil et Lune, c’est sous-côté

Pokémon Soleil et Lune est de retour sur le blog pour vous jouer un mauvais tour. Après un premier article moqueur mais bienveillant portant sur les deux premiers épisodes, je décide d’y revenir après avoir poursuivi mon visionnage au fil des ans jusqu’à le conclure en binge-watching pendant ce confinement. Probablement est-ce en partie pour admirer la victoire de Sacha à la Ligue d’Alola qui fit l’événement sur le web il y a quelques mois, mais pas uniquement. Soleil & Lune est un cycle qui m’a véritablement plu, et il est sous-côté.

Retour dans l’univers Pokémon

Il y a de cela quelques années, après avoir compris qu’être adulte n’excluait pas de conserver son âme d’enfant, je me remettais à Pokémon. Avant d’investir dans un jeu ou même une console, c’est vers le dessin-animé que je revenais après l’avoir ardemment suivi durant mon enfance. Où reprendre après toutes ces années d’absence ? Un ami me conseillait alors vivement Pokémon XY, qui constitue un point de retour idéal. Alors que la 5ème génération (la précédente) tentait de se démarquer de son héritage, XY ramène nombre de Pokémon des débuts, en plus de proposer de nouveaux designs plus fidèles. Ce retour aux sources est d’autant plus marqué par la musique du générique qui reprendre celle du tout premier. Bref, l’effet de nostalgie fut intense et c’est avec grand intérêt que j’ai suivi les trois saisons composant ce cycle XYZ.

Pokémon XYZ

Arriva alors son successeur, Soleil et Lune, qui marque une cassure assez nette. Tout d’abord sur la forme avec une patte graphique et un style d’animation assez différent, mais aussi sur le fond. Désormais, il n’est plus question de suivre Sacha arpenter une région de fond en comble pour collectionner les badges et finir à la ligue Pokémon. Non, à Alola, l’éternel jeune garçon profite du cadre idyllique pour prendre des vacances bien méritées. Paradoxalement, ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il suivra des cours à l’École Pokémon dirigée par le Professeur Euphorbe, chez qui Sacha s’installera le temps de son séjour. La série n’est plus en mouvement, elle se pose, s’installe, prend son temps.

Ode à la simplicité

Fondamentalement, la série reste la même : Sacha explore, fait des rencontres, combat… Néanmoins, tous ces aspects revêtent une forme différente. Étant en vacances, le jeune homme n’a pas pour objectif de traverser la région et de collecter les badges, mais simplement de découvrir l’archipel d’Alola pour ce qu’il est, pour sa culture, ses habitants, ses Pokémon. Bien que les arènes trouvent un équivalent avec « le tour des îles », ici il ne s’agit pas tant de démonstration de puissance que de participer à des épreuves variées visant à apprendre des leçons de vie et renforcer les liens avec ses Pokémon. A la clé de ces tests : des cristaux Z permettant au dresseur de lancer une attaque surpuissante en tirant parti de l’énergie d’Alola. Pour y parvenir, il faut être en communion autant avec son Pokémon qu’avec l’Archipel. Une croyance presque ésotérique à laquelle sera opposé le pragmatisme scientifique le temps de quelques secondes (faut pas déconner non plus).

Sacha découvre le Gardien Tokotoro

Cette véritablement ode à la nature et ses merveilles constitue une grande partie du message de Soleil & Lune, ce qui est renforcée par l’idée de l’école Pokémon. Dans cet établissement où ne travaille qu’un seul professeur pour six élèves, il n’est pas question de grammaire ou de mathématiques mais bien d’un apprentissage de la faune et la flore d’Alola qui constituera le principe d’une majorité des épisodes. En l’absence de l’objectif habituel de la course aux badges, ceux-ci ne constituent pas un passage transitoire tenant presque de l’ordre du remplissage, mais forment le cœur même de la série. Plus que jamais, le spectateur est invité à apprécier les petites merveilles de la nature que l’on tend à oublier mais qui sont pourtant de réelles sources d’émerveillement. Je me souviens par exemple de tout un épisode dédié à présenter la façon dont un certain Pokémon devait trouver sa place au sein de l’écosystème en méritant un territoire qu’il pourra s’approprier.

Science-fiction à gogo

Pour autant, la série propose également en parallèles des histoires plus hautes en couleur. Alors que la première saison se constituait d’épisodes plutôt indépendants, la série passe la vitesse supérieure dès le début de la seconde, nommée « Ultra Aventures ». Nous sont alors présentés les Pokémon Légendaires de cette génération avant d’introduire progressivement l’idée d’une dimension parallèle au cœur même de la fondation de l’Archipel. L’une des particularités d’Alola est en effet la manifestation régulière de phénomènes surnaturels, et notamment l’ouverture spontanée de portails dans le ciel. Clairement présentées comme des menaces, les Ultra-Chimères s’échappent de leur dimension parallèle pour, la plupart du temps, semer le chaos dans la notre. Pas vraiment des Pokémon, ces chimères revêtent une apparence bien plus humanoïde, leur procurant une aura d’autant plus étrange.

Sacha et Gladio avec Solgaleo et Lunala

D’abord pris au dépourvu, Sacha et ses amis s’aventureront dans cette dimension parallèle pour sauver la mère de l’un d’entre eux, kidnappée par une Ultra-Chimère. Suite à leur réussite dans cet arc composé de plusieurs épisodes, les écoliers formeront l’équipe chargée de répondre à cette menace désormais régulière. Les « Ultra-Gardiens » auront alors pour mission de renvoyer ces créatures chimériques dans leur monde, renforçant l’idée qu’il ne s’agit pas de simples Pokémon. On est bien loin des intrigues plus terre-à-terre que l’on avait connu étant gamins, mais il est assez drôle de voir la série ne pas hésiter à plonger dans des concepts toujours plus absurdes et dépaysants qui enrichissent l’univers. De plus, Soleil et Lune dispose d’une force que ses prédécesseurs n’avaient pas : rien ne lui est interdit sous prétexte d’être utilisé dans un film. Les studios OLM étant davantage dans une phase d’expérimentation, chaque nouvelle pièce créée est indépendante.

La famille au cœur du récit

Avant toute chose, Soleil et Lune est une histoire de famille. Parmi les élèves de l’école se trouve Lillie, une enfant craintive des Pokémon et qui connaîtra un développement de taille tout au long des trois saisons. On apprendra ainsi d’où provient son traumatisme, lié aux recherches effectuées par ses parents, pour mieux la voir le dépasser à l’aide de son frère. Entretenant une relation compliquée avec une mère qui s’est complètement dédiée à son travail suite au décès de son mari, les deux enfants entreprendront un voyage inter-dimensionel afin de la sauver d’une Ultra-Chimère qui l’a prise pour cible. Cette dynamique familiale guérira peu à peu et trouvera une forme d’apothéose lorsque Lillie et Gladio apprendront la survie de leur père dont ils se mettront finalement à la recherche avec leur mère.

Flash-back de la famille de Lillie

Kiawe et Barbara, eux, sont ainsi complètement dédiés à la pérennité de l’entreprise de leurs parents respectifs. Le premier, sans bénéficier d’un développement particulièrement important, touche de par l’amour profond qu’il porte à sa petite sœur et son engagement à défendre la ferme de ses parents face à un promoteur immobilier. La seconde impressionne également par son investissement dans le restaurant de son père, au point de s’oublier. Peut-être est-ce pour éviter la culpabilité qu’elle ressent pour son attitude vis-à-vis de sa mère décédée, dont elle ne parle jamais. Ici, Pokémon ose traiter de la mort, qu’elle affecte l’humain ou le Pokémon. C’est le cas avec un Mastouffe malade et figure paternelle de Flamiaou, qui s’éteindra finalement avec poésie avant que son fils adoptif ne rejoigne l’équipe de Sacha pour devenir plus fort et honorer la mémoire du défunt.

Le foyer de Sacha

Sacha lui-même est au cœur de cette thématique familiale, alors qu’il a pourtant toujours été dépeint comme très indépendant. Le père du jeune garçon est inconnu au bataillon et n’est jamais évoqué, tandis que sa mère ne revient qu’occasionnellement dans sa vie depuis qu’il a quitté la maison familiale dans le premier épisode. Bien sûr, Sacha se créait une sorte de famille de fortune à chaque cycle de l’animé, mais c’est dans Soleil et Lune que cela se veut le plus concret. Habitant désormais chez le Professeur Euphorbe, Sacha dispose d’un foyer dans lequel il dort toutes les nuits et mange tous les jours. Habituellement nomade, il devient sédentaire.

La nouvelle famille de Sacha

Petit à petit, c’est un véritable cocon familial qui se crée, que ce soit avec ses Pokémon qui sont comme des frères, ou avec Euphorbe qui s’impose progressivement comme la figure paternelle qu’il n’a jamais eu. La série va même plus loin avec l’introduction du personnage de Pimprenelle, qui entretiendra une relation amoureuse avec Euphorbe jusqu’à l’épouser et s’installer chez lui. Un mariage dans Pokémon, truc de fou. Si cette idée de famille ne connaîtra jamais de développement complexe ou profond, sa puissance se forge dans la banalité du quotidien qui la réunie.

La Ligue Pokémon : L’apogée des développements

En se posant, la série se permet de proposer un casting plus étendu. Ce n’est plus deux ou trois personnages qui accompagnent Sacha, mais au minimum les cinq élèves de sa classe, à qui s’ajoutent régulièrement d’autres habitants d’Alola. Aussi conséquente que diversifiée, la galerie se montre être une réelle force de Soleil et Lune mise en avant dans la première Ligue Pokémon organisée à Alola. Ici, quiconque peut prétendre au titre, ce qui donne lieu à une bataille royale inédite à 151 dresseurs, réunissant nombre de personnages croisés au fil de l’aventure. C’est également la première fois que nous assistons au déroulement de la compétition dans son intégralité, de ses qualifications à son match de démonstration post-finale.

Felinferno vs Flamiaou

Si Soleil et Lune peut se le permettre, c’est parce que la série a su créer un attachement envers ses personnages et un intérêt pour leurs relations, qu’elles soient amicales ou rivales. Les affrontements de la ligue sont établis avec astuce à travers des combinaisons qui répondent aux diverses dynamiques développées à court ou long terme, que ce soit netre humains ou Pokémon. Inégaux, les matchs sont presque toujours de véritables échanges plus que des affrontements superficiels, le grand jeu étant tout de même déployé pour les plus importants. En point culminant, Sacha se voit offert la chance d’affronter le champion local Royal Mask, rival ultime contre qui il a toujours perdu et qui se révèle être le Professeur Euphorbe, sa figure paternelle. L’affrontement est parmi les plus mémorables de la saga, autant pour le combat en lui-même que pour ce qu’il représente.

Soleil et Lune arrive encore à surprendre en donnant la victoire à Sacha, décidément imbattable dans un cycle qui donne pourtant moins d’importance au combat. Ayant appris à apprécier le monde et ne considérant plus la victoire comme un objectif en soi, le jeune garçon fait après intense réflexion le choix de continuer son voyage.

La meilleure animation de la série

C’est l’éléphant au milieu de la pièce : l’animation de ce cycle Soleil et Lune a été fortement décriée, à tort. Tout d’abord, parce qu’il faut la différencier du style, bien que les deux soient intrinsèquement liées. Il est vrai, les dessins du cycle Soleil et Lune sont plus simples, ils comportent moins de traits alors que XYZ avait livré l’exact opposé. Maintenant, il faut bien comprendre que le choix du style n’est pas innocent, ni effectué par flemme, mais bien par ambition. Si les combats avaient largement pris en dynamisme lors du cycle précédent, ce n’était pas le cas du reste de l’action, plus statique. Avec des chara-designs plus simples, il devient en revanche bien plus évident d’animer avec efficacité et fluidité les personnages. Plus que jamais, Pokémon est un terrain d’amusement pour les animateurs comme le prouve la venue régulière de grands noms du milieu qui acclament cette nouvelle direction.

La Team Rocket bénéficie aussi de la nouvelle animation

Permettant un bien meilleur équilibre entre les combats et le reste de l’action, la série peut alors se permettre de réduire l’importance et la fréquence des affrontements. Le spectacle visuel se veut assuré en toute circonstance, que ce soit par des expressions de visage largement exagérées ou des mouvements très dynamiques. La nouvelle tonalité, plus comique, est alors autant un résultat de cette « révolution » graphique que sa raison d’être. Les affrontements ne sont pas en reste pour autant, et s’ils ne se montrent souvent pas au niveau stratégique du cycle XYZ, leur dynamisme se veut meilleur que jamais. Il convient alors de bien différencier l’animation de la caractérisation des personnages. Cela n’empêche pas Soleil et Lune de proposer des affrontements de haut niveau lors de la Ligue.

(Si le sujet vous intéresse, je vous conseille cet article et cette vidéo.)

Bien entendu, cet article a pour but de mettre en avant les qualités de Soleil et Lune. La série se veut avant tout fun et légère, ce qui est particulièrement appréciable à condition d’avoir réussi à conserver son âme d’enfant. Pour qui y est parvenu, la conclusion de ce cycle ne laisse pas indifférent. Alors que les adieux de Sacha à ses amis se voulaient plus naturels dans les saisons précédentes de par le format toujours en mouvement de ses aventures, ici c’est tout l’inverse. Quitter Alola se montre plus difficile que jamais pour Sacha, car c’est quitter son foyer et la vie confortable qu’il s’est construit ces trois dernières saisons. C’est aussi faire ses adieux à ses parents de substitution, ce qu’il fait dans une scène qui m’a touché en plein cœur. Reste l’espoir de revoir tous ces personnages dans le nouveau cycle qui devrait le faire revenir à Alola le temps de quelques épisodes. Quoi qu’il en soit, Soleil et Lune restera une période marquante.

2 commentaires sur « Pokémon Soleil et Lune, c’est sous-côté »

  1. C’est drôle, car ce qui m’avait frustrée dans les jeux (l’aspect vacances et petites épreuves, ou même l’aspect SF) semble faire partie intégrante des qualités de l’animé ! Et il est vrai que la manière dont tu en parles donne envie ! D’ailleurs, j’avais de gros à priori sur le style graphique, justement, mais tu me permets d’adopter un autre point de vue. J’avais revu la ou les premières saison de l’animé, il a quelques années. Je ne sais pas si je me relancerai vraiment dedans (à cause de tout ce que j’ai à regarder !) mais je maintiens que ça donne envie. D’ailleurs, tu les as vus où ? Enfin, merci pour cette critique très qualitative !

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